Contributeurs: CarolAnnO, Arthur Escalas, Simon R, Blaise, Félix Geoffroy, Pgclaret, Vincent Bonhomme
Chéri(e), tu m'imprimes une bagnole?
Chéri(e), tu m'imprimes une bagnole?
par Simon RPublié le 19 avril 2016
Avec la participation de :
Arthur Escalas, Blaise, CarolAnnO, Félix Geoffroy, Pgclaret, Simon R, Vincent Bonhomme
Les imprimantes 3D tendent à se démocratiser. Si les technologies plastiques commencent à être vraiment perfectionnées, les technologies permettant d'imprimer des pièces en métal peuvent encore être raffinées. De nombreuses pistes émergent pour améliorer ces procédés et en créer d'autres. Le soudage à l'arc semble très prometteur pour l'impression de pièces métalliques.
Introduction
Qui n'a jamais expérimenté la frustration de commander un objet sur internet et de devoir attendre une semaine avant de l'avoir, pour finalement se rendre compte que la vis commandée, ou que l'objet reçu, n'est pas du tout celui que l'on imaginait ? Serait-il possible d'avoir immédiatement chez soi, une pièce, un objet désiré ? Et par extension, pourrait-on imaginer fabriquer nous-mêmes les pièces qui nous intéressent, avec la forme adaptée ? C'est dans cette optique que de nombreuses recherches sont en cours pour développer les imprimantes 3D, les améliorer et augmenter de jour en jour leur champ d'action. Et qui sait, dans 10 ans, vous imprimerez peut-être vous-même vos couverts, vos chaises, voire votre voiture.
Les imprimantes 3D, qu'est ce que c'est ?
Les imprimantes 3D sont basées, et ce quelque soit la technologie utilisée, sur un même principe très simple : le couche par couche. Celui-ci consiste à créer une pièce en 3D en la découpant en couches, qui vont être imprimées les unes sur les autres pour obtenir un volume. Quel que soit le matériau utilisé et le procédé d'obtention, c'est ce principe de base qui fait du système une imprimante 3D.
Cette nouvelle approche de la fabrication de pièces amène des avantages considérables par rapport aux méthodes traditionnelles de fabrication. En effet, cette technique permet d'obtenir des formes qui étaient jusque-là inimaginables et impossibles à produire facilement. Les méthodes traditionnelles restent limitées, que ce soit par des problèmes d'accessibilité de la forme, la nécessité de passer par plusieurs méthodes de fabrication ou encore de décomposition de la pièce en plusieurs parties. Grâce aux imprimantes 3D, on peut obtenir d'un bloc des pièces aux formes complexes. Cela est particulièrement intéressant pour réduire la complexité de certains systèmes (comment attacher et fixer de façon sûre les différentes parties, coûts importants lors de l'utilisation de plusieurs procédés durant la fabrication, etc.).Les imprimantes 3D sont particulièrement appréciées par les artistes et les designers puisqu'ils peuvent fabriquer le produit qu'ils imaginent, l'avoir rapidement sous les yeux et se rendre compte du rendu réel de celui-ci sans avoir à passer par une multitude d'étapes.
Par ailleurs, le principe du couche par couche est aussi connu sous le nom de procédé de fabrication additive[1]. Ceci est à mettre en opposition avec les procédés de fabrication plus traditionnels, également appelés procédés de fabrication soustractifs, c'est-à-dire où l'on vient retirer de la matière d'un bloc brut pour obtenir les formes voulues (c'est par exemple le cas de l'usinage). Dans l'industrie, la fabrication d'objets par ajout de matière est intéressante d'un point de vue économique puisqu'elle permet d'utiliser juste ce qu'il faut de matière pour obtenir la pièce désirée. On évite ainsi de payer au kilo un énorme bloc de matière duquel on va enlever de la matière, souvent plus de la moitié , pour obtenir l'objet final. Cela est évidemment particulièrement avantageux lors de l'utilisation de matériaux chers, comme dans l'aéronautique par exemple, où certains alliages, tels que le titane, peuvent atteindre des prix au kilo exorbitants : au 31 décembre 2014, le cours du titanium est de 4,79 € le kilo[2].
Cependant, il est important de relativiser ces avantages car cette technologie n'a émergé que lors du dernier quart du XXème siècle et est encore en développement. Il est certain que, pour un industriel ou un particulier, la qualité des pièces obtenues n'est pas toujours suffisante pour justifier le coût d'un investissement aussi important dans ces technologies (même si de plus en plus d'entreprises et de particuliers se dotent d'imprimantes 3D qui se sont bien améliorées depuis leurs débuts).
Le plastique c'est fantastique
Les imprimantes 3D permettant la création de pièces plastiques sont les premières à avoir été développées et à exploiter ce principe de « couche par couche ». Ce sont donc les plus abouties, et celle dont le coût est suffisamment réduit pour être accessibles aux particuliers. En effet, cette technologie est devenue facilement accessible au grand public (autant que de régler son imprimante papier par exemple) et de plus en plus de personnes en achètent pour diverses utilisations, dans le domaine du modélisme par exemple. Sur internet, des sites pullulent de pièces à fabriquer soi-même, allant du pot de fleurs en plastique au masque de Dark Vador grandeur nature, en passant par des plans permettant d'imprimer une imprimante 3D.
Le principe le plus courant pour l'impression 3D plastique est l'utilisation d'une structure motorisée qui va déplacer une buse chauffante faisant fondre un fil en plastique pour le déposer précisément aux endroits voulus sur un support. Ce support, une fois la première couche imprimée, va descendre d'une hauteur égale à la hauteur de matière déposée, et la buse va ainsi pouvoir imprimer la couche suivante par dessus la précédente. C'est ce principe qui est utilisé dans les imprimantes 3D pour les particuliers.
Dans l’industrie, d'autres technologies plus complexes et plus volumineuses existent. Celles-ci sont basées sur l'utilisation d'un matériau à l'état liquide ou en poudre, stocké dans une cuve, et qui va être solidifié ou aggloméré à l'aide d'une certaine technologie (laser, UV, buse chauffante, faisceau d'électrons, etc.). Cela permettra d'obtenir une solidification aux endroits prévus. C'est ainsi que l'on obtient les différentes couches de notre pièce 3D.
Le métal c'est vraiment pas mal
Évidemment, un moteur de voiture en plastique ne serait pas très opérationnel. Or, il serait dommage de limiter le principe des imprimantes 3D aux matières plastiques. De nombreux travaux portent donc sur le transfert de ce principe aux matériaux métalliques. Les techniques les plus utilisées actuellement sont basées sur le principe d'un bain de poudre métallique qui va être aggloméré par l'utilisation, ici aussi, d'un laser, d'une buse chauffante, etc.
Cependant, reprendre le principe utilisé en imprimerie plastique pour les particuliers est évidemment beaucoup plus compliqué à cause des températures bien plus élevées requises pour faire fondre les métaux. Toutefois, nous savons depuis longtemps faire fondre le métal pour lui donner une forme voulue. Une des technologies permettant de faire fondre le métal, et qui va nous intéresser dans la suite de cet article, est le soudage. Cette méthode est en effet celle qui se rapproche le plus du dépôt de fil plastique, car elle permet de déposer des cordons de métal.
Une nouvelle idée, le soudage à l'arc
Le soudage, c'est ce qui permet aux différentes parties de votre chaise, de votre bureau, d'un pont, du moteur de votre voiture, bref de pièces métalliques en général, de se maintenir ensemble. En principe, lorsque l'on souhaite lier deux pièces par soudure, on les fait fondre à l'endroit où elles sont vouées à être en contact, en rajoutant ou non du métal, et ensuite ces deux parties vont se lier définitivement lorsqu'elles vont se solidifier en refroidissant.
Les technologies de soudage sont très nombreuses et chacune est adaptée à une application particulière : on ne soudera pas de la même manière les composants d'un circuit électrique et les tuyaux utilisés dans le domaine du nucléaire. Pour notre application d'impression 3D, on va choisir une technologie de soudage avec apport de métal pour pouvoir déposer de la matière. Nous allons donc nous focaliser sur la soudure à l'arc.
Si on fait passer un courant électrique suffisamment puissant (en intensité et en tension) entre deux pièces légèrement écartées, il est possible de créer un arc électrique dans l'air entre ces deux pièces (air qui va s'ioniser pour laisser passer le courant). Si cet arc est maintenu, l'énergie qu'il dégage va pouvoir faire chauffer localement les pièces et les faire fondre. C'est donc en se basant sur cette technique que le soudage à l'arc fonctionne[3]. On crée un fort courant entre un fil et la pièce à souder, ce qui va permettre de faire fondre les deux et par gravité, ou grâce au sens du courant, on va pouvoir ajouter les gouttes de fil fondu dans la partie fondue de la pièce pour réaliser la soudure.
Souder en 3D
Dans le cas des imprimantes 3D, au lieu de souder deux pièces ensemble, et donc d'apporter du métal pour combler un interstice, la technologie de soudage à l'arc va être utilisée pour déposer de la matière métallique sous forme de cordons. En déposant des cordons les uns sur les autres, on retrouve l'idée de dépôt de fil plastique et on peut donc imaginer fabriquer ainsi des pièces métalliques en 3D tant que le materiau choisi est soudable.
Les paramètres de soudage, s'ils sont bien réglés peuvent donc permettre de déposer des cordons d'épaisseur variable les uns sur les autres. Les pièces imprimées pourront ainsi être plus ou moins épaisses en fonction du besoin.
Avantages et limites
Il est intéressant de comparer cette méthode à celles qui sont plus utilisées actuellement comme le bain de poudre métallique. L'avantage principal du soudage à l'arc va être qu'en faisant fondre le métal et en le resolidifiant, on permet aux pièces d'être plus résistantes et plus homogènes que dans le cas de la poudre que l'on vient agglomérer. En effet, lors de l'agglomération de poudre métallique, on vient juste « coller » de nombreux grains ensemble, de l'air peut donc rester emprisonné entre ceux-ci et la pièce risque d'être très poreuse. Des pièces obtenues par la technologie de poudre métallique sont donc bien moins résistantes que par une technologie de soudage à l'arc.
De plus, en fonction de la technique utilisée, dans le cas du bain de poudre, celle-ci peut atteindre des coûts astronomiques, comme l'utilisation d'un laser, ou d'un faisceau d’électrons qui sont des technologies difficiles à mettre en place. Le soudage est une technologie maîtrisée depuis longtemps, et n'est ni difficile à mettre en place, ni particulièrement chère.
D'autres difficultés à surmonter pour un futur en 3D
Lors de l'impression d'une pièce métallique en 3D, de nombreux problèmes se posent tout au long de la démarche, notamment :
- La difficulté de découper une pièce virtuelle pour pouvoir l'imprimer ;
- Le besoin d'utiliser des géométries complexes pour obtenir des pièces évoluées ;
- La nécessité de contrôler le processus d'impression pour éviter des défauts trop importants.
Découper la pièce avant de la construire
Un autre fait important à prendre en compte qui découle de la complexité des pièces que l'on veut produire, est le choix d'une stratégie pour découper cette pièce « virtuelle » pour ensuite la produire dans le réel. En effet, il va falloir déterminer quelles couches il faut réaliser pour obtenir notre pièce complète. Il est évident que s'il est simple de découper une chope de bière en couches et que la plupart des gens le ferait de façon assez intuitive verticalement en des cercles les uns sur les autres, il est plus compliqué de choisir un sens préférentiel pour un moteur d'avion. Le choix d'une direction de découpe, ainsi que d'une stratégie de fabrication, c'est-à-dire d'un ordre, d'un sens, dans lequel on va déposer la matière, induit des différences non négligeables sur la durée de la fabrication. Cela peut de plus induire des problèmes de collision de la torche de soudage qui apporte le métal, sur de la matière précédemment déposée. En ce sens, de nombreux scientifiques travaillent sur cette partie (appelée slicer, c'est-à-dire le découpage de la pièce, et la trajectoire que l'imprimante va suivre le long de cette découpe pour obtenir la pièce) et de nombreux algorithmes existent pour tenter de résoudre ce problème[4][5].
Des géométries de plus en plus complexes
Imprimer une barre ou un cube en métal est déjà une prouesse technologique, mais cela ne suffirait pas à rendre les imprimantes 3D utiles. En effet, un carter moteur ou une figurine de modélisme sont rarement, voire jamais, composés de formes géométriques aussi simples. Il est donc nécessaire de permettre à notre imprimante 3D de créer des pièces complexes, courbes, aux formes harmonieuses. L'utilisation d'un bras robotique permet d'orienter notre torche dans l'espace et d'obtenir des géométries plus complexes.
Contrôler pour mieux fabriquer
Si l'on sait faire un cordon de soudure entre deux pièces, dont la géométrie est connue, de façon maîtrisée, il est en revanche très compliqué de ressouder sur un cordon précédemment déposé. L'accumulation de plusieurs cordons les uns sur les autres va naturellement induire une accumulation d'imperfections si jamais une aspérité apparaît sur la surface d'un des cordons par exemple. Si une goutte de métal se dépose de travers, ou mal sur une des couches, sans contrôle de la géométrie et des paramètres de soudage, cette erreur risque de se propager et à la fin, la pièce risque de ne pas être conforme à ce que l'on attendait. Des capteurs - des caméras, par exemple - peuvent donc être mis en place sur le système pour s'assurer que tout se passe sans accroche durant la production. En cas d'erreur, un algorithme pourrait permettre de demander à l'imprimante de rattraper celle-ci avant qu'elle n'affecte complètement les couches suivantes.[6]
Qui plus est, l'utilisation d'un bras robotique nécessite des précautions toutes particulières. En effet, malgré les efforts des fabricants de systèmes anthropomorphes, c'est-à-dire ressemblants à un bras humain, ceux-ci sont loin d'êtres dépourvus de défauts. Cela a pour conséquence que le positionnement de la torche de soudage n'est pas forcément exactement celui attendu. Ajouter un système de contrôle assure donc une possibilité de replacement de la torche à l'endroit désiré, et va permettre de garantir la géométrie finale de la pièce.
Finalement, peut-on imprimer des pièces métalliques en 3D?
Dans le cas du plastique, l'impression 3D devient de mieux en mieux maîtrisée, et de plus en plus accessible au grand public. Tout un chacun peut se doter d'une imprimante 3D plastique à un coût bien moindre que les premières produites. Il existe aussi des entreprises (Fab Lab) qui permettent à des particuliers de venir développer une pièce et de l'imprimer au sein du laboratoire de fabrication.
Pour ce qui est du métal, l'utilisation de technologies chères et complexes telles que des faisceaux lasers ou d’électrons empêche l'utilisation personnelle de l'impression 3D. Ce domaine est encore réservé aux entreprises (qui ont des moyens financiers suffisants) et risque de l'être encore dans les années à venir. Cependant, beaucoup de recherches portent sur ce sujet, et on peut imaginer que d'ici quelques années, les Fab Labs se doteront de ce type de technologie si leur coût diminue et que leur mise en place se simplifie.
Pour aller plus loin
- ↑ https://fr.wikipedia.org/wiki/Fabrication_additive
- ↑ http://www.metaux.info/metaux-non-precieux/titane/
- ↑ https://fr.wikipedia.org/wiki/Soudage_MIG-MAG
- ↑ Ron Jamieson, Herbert Hacker, (1995) "Direct slicing of CAD models for rapid prototyping", Rapid Prototyping Journal, Vol. 1 Iss: 2, pp.4 - 12.
- ↑ Pan Haipeng, Zhou Tianrui, "Generation and optimization of slice profile data in rapid prototyping and manufacturing", Journal of Materials Processing Technology, Volumes 187–188, 12 June 2007, Pages 623–626, 3rd International Conference on Advanced Forming and Die Manufacturing Technology
- ↑ F. Bonaccorso, L.Cantelli, G. Muscato, "Arc welding Control for Shaped Metal Deposition Process", Preprints of the 18th IFAC World Congress Milano (Italy) August 28 - September 2, 2011